🎬 Quand l’IA s’invite dans nos métiers : le cas du compte-rendu automatisé
Deux responsables de programme m’ont récemment raconté une scène à la fois amusante et révélatrice.
Un chef de projet leur avait demandé d’utiliser un outil d’intelligence artificielle pour rédiger automatiquement les comptes rendus de réunion.
Silence…
Puis, un échange de regards mi-surpris, mi-amusés (voire agacés).
Et cette remarque un peu sidérée : « Mais… ça fait partie intégrante ton métier ».
Cette situation peut prêter à sourire.
Mais elle en dit beaucoup sur notre rapport actuel au travail.
Ce n’est pas une question d’outil, ni de paresse : c’est une question de sens.
L’anecdote qui révèle une fracture profonde
Quand une IA rédige nos compte-rendus de réunions, que faisons-nous du temps libéré ?
🔍 Deux visions opposées du travail
D’un côté, il y a ceux qui veulent gagner du temps. Déléguer ce qui est « chronophage », rationaliser, automatiser. Le compte-rendu devient alors une tâche à éliminer pour se concentrer sur « l’essentiel ».
De l’autre, il y a ceux pour qui le compte-rendu est une étape clé. Rédiger c’est penser, reformuler, relier des points et révéler les nuances. C’est le moment ou la réunion devient une décision et où le collectif inscrit une trace.
Efficacité VS Sens : peut-on réconcilier les deux ?
Les deux ont raison !
L’un cherche l’efficacité, l’autre cherche le sens. Et entre les deux, il y a cette fracture discrète : celle d’un travail qui ne sait plus très bien ce qu’il valorise.
💡Ce que l’intelligence artificielle révèle de notre rapport au travail
Aujourd’hui encore, la production, la rapidité, la rentabilité sont valorisées. Le temps reste une ressource qu’il faut gagner, pas un espace qu’on habite…
Et voilà, qu’arrive une technologie capable d’accélérer réellement, encore plus. Logiquement, on l’adopte. Mais symboliquement, on vacille.
Car si l’IA écrit mieux, calcule plus vite, synthétise parfaitement… alors sur quoi répose notre valeur au travail ?
Alors la vrai question devient : qu’est-ce qui reste humain dans le travail ?
Peut-être ce qu’on ne peut pas déléguer : la présence, la nuance, la responsabilité. Faire un compte-rendu, ce n’est pas seulement rédiger un texte. C’est décider ce qu’on retient, ce qu’on oublie, ce qu’on a décider de faire exister. C’est, en somme, penser et arbitrer. Et cela, ça ne se sous-traite pas – pas encore du moins.
La machine compile. L’humain relie. Et c’est là que tout se joue.
🧩 Leadership à l’heure de l’IA : l’art du discernement
L’intelligence artificielle au travail ne demande pas moins de leadership. Au contraire, elle en demande plus. Parce qu’elle nous met face à un choix permanent ; que délègue-t-on ? Et que garde-t-on ?
Les nouvelles compétences du « leader augmenté »
Le leader d’aujourd’hui n’est plus celui qui sait tout. Le savoir n’est plus le pouvoir.
L’IA peut transcrire une réunion, mot pour mot. Elle peut même prioriser, extraire les décisions, identifier les actions urgentes selon des critères d’impact, de fréquence… Elle peut arbitrer selon les règles qu’on lui donne.
Mais elle ne peut pas lire l’invisible.
Les hésitations. Les silences. Les non-dits. Les tensions sous la surface. Les regards. Ce qui se joue réellement au delà des mots prononcés.
L’IA ne change pas ce qu’est le leadership. Elle révèle ce qu’il a toujours été : une lecture de l’humain.
Ce qui change c’est que cette lecture devient essentielle, au risque de devenir de simples exécutants qui appliquent ce que l’IA suggère.
Le leader augmenté n’est pas celui qui délègue tout à l’IA. C’est celui qui sait exactement ce qu’il ne faut PAS déléguer.
La lecture des dynamiques humaines, sentir qu’un silence cou un ok cache une résistance.
L’arbitrage qui intègre le contexte unique, savoir qu’une bonne décision peut arriver au mauvaise moment.
La création de sens qui mobilise, transformer des faits en histoire.
L’enjeu n’est pas « comment utiliser l’IA » mais comment préserver l’intelligence humaine en chemin. Comment travailler autrement ?
🤜🤛 « Vailler autrement » : repenser le travail humain
Vailler : le mot n’existe pas. Il est né d’une erreur de frappe. En voulant écrire, Travailler autrement, le clavier a choisi « Vailler ». Je l’ai gardé.
Parce que « vailler » peut évoquer valoir et veiller. Et c’est exactement ce qu’il nous reste à faire : rester éveillés pour se concentrer sur la valeur. Veiller à ce que l’on délègue, automatise. A ce que l’on souhaite faire de ce temps gagné. A ce qui nous rend encore profondément humains.
De l’efficacité à l ‘intelligence stratégique
Alors oui, confions à l’IA les comptes-rendus.
Mais gardons pour nous ce qui donne du sens.
Parce que la machine écrit ce qu’on lui demande, elle ne comprend pas ce que l’on vit.
Elle n’était pas dans la pièce, ni connectée en visio.
Elle n’a pas entendu les silences, ni vu les regards, et surtout, elle ne saura jamais que la vraie décision s’est prise à la machine à café.
Et si elle produit plus vite, tant mieux : cela nous laisse le temps de réfléchir à ce que nous souhaitons vraiment produire.
L’IA n’est pas une menace. C’est une opportunité de lucidité. Un miroir qui nous renvoie cette question : Qu’avons nous encore envie de faire nous-mêmes ?
📌 Et maintenant ? Trois questions pour votre équipe ?
Cette réflexion sur le leadership et l’intelligence artificielle n’est pas uniquement un exercice philosophique. C’est un enjeu immédiat pour vos équipes.
Posez vous ces 3 questions :
- Quelles tâches votre équipe automatise-t-elle … et perd-elle du sens en chemin ?
- Quelles compétences humaines devez-vous préserver coûte que coûte ?
- Comment créer des espaces pour que vos équipes « vaillent » plutôt qu’elles ne subissent ?